Les soldats du Premier Empire
Natalie Petiteau
Aufsatz
Veröffentlicht am: 
13. Januar 2014
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Les soldats de l'Empire ont connu des expériences de guerre singulières et inédites qui méritent une attention autre que celle des classiques récits événementiels des batailles napoléoniennes. Ils sont enrôlés sur le principe nouveau de la conscription et appelés à combattre pour une cause nationale qui se prétend aussi universelle, ce qui est inédit. Ils combattent sous la conduite d'un chef incarnant la nation à l'égard duquel on a beaucoup dit qu'ils éprouvaient tous une ferveur intense, ce qui mérite examen. Ils ont enduré des marches et des combats d'une rigueur jusqu'alors rarement connue. Pour comprendre avec quelle expérience des milliers d'hommes vont entrer dans le XIXe siècle, de quelle expérience ces milliers d'hommes vont parler à leurs contemporains, il est essentiel de porter un regard anthropologique sur leur expérience de guerre.

Jusqu'au début des années 2000, l'histoire des guerres napoléoniennes était très largement restée à l'écart de toutes les voies nouvelles suivant lesquelles les chercheurs s'employaient à faire de l'histoire en mettant en pratique les recommandations de Marc Bloch et de Lucien Febvre.1 On disposait néanmoins depuis 1904 du très riche livre de Jean Morvan sur le soldat impérial2, qui a aidé à la publication de bien des ouvrages ultérieurs3, tandis que de nombreuses études ont cerné les attitudes à l'égard de la conscription.4 C'est grâce à tout cela qu'une autre historiographie a pu aller plus loin. Car il fallait aussi connaître ce que les hommes avaient ressenti, comment ils avaient vécu temps de paix et heures de combats, lendemains de bataille et retours au pays.5 L'histoire des guerres de l'Empire méritait de trouver droit de cité dans le domaine de l'histoire culturelle de la guerre.6

Ce faisant, elle est entrée dans les débats autour de la guerre totale qui sont nés à propos, là encore, de la première guerre mondiale : en 2004, Jean-Yves Guiomar soutient que les guerres de la Révolution et de l'Empire par la mobilisation systématique des hommes et du matériel, par leur mise en avant de buts de guerre nationalistes inventent le mode de conflit qui a caractérisé les totalitarismes.7 Mais à cela, les spécialistes des guerres de la Révolution et de l'Empire ont pu répliquer qu'il convient plutôt de lire ces guerres dans le cadre du système de la guerre moderne défini par Guibert, où se manifestent cependant déjà des formes de « brutalisation ».8 Pour le reste, la rhétorique de haine nationale existe déjà au XVIIe siècle, et le matériel n'a pas connu de mutations majeures entre le règne de Louis XIV et le milieu du XIXe siècle.9 David Bell a néanmoins rebondi sur le concept de guerre totale pour souligner à son tour combien la Révolution et l'Empire voient s'accentuer la violence de guerre.10

Le sujet des guerres révolutionnaires et impériales est donc devenu fécond.11 Tout récemment, la commémoration de la campagne de Russie a suscité des publications qui ont montré à quel point cette nouvelle façon de faire l'histoire des guerres de l'Empire est devenue incontournable.12 Il est aujourd'hui possible de mieux comprendre comment des dizaines de milliers de Français sont alors devenus soldats, comment ils ont combattu, et avec quel bagage mémoriel ils sont rentrés chez eux, du moins quand ils sont rentrés...

 

Devenir soldat. Une difficile soumission à la conscription

Si, en 1789, les Français sont nombreux à considérer que le principe de la milice doit disparaître, ils estiment par ailleurs qu'en cas de danger, ils voleront spontanément aux frontières.13 Mais si la Constituante a refusé la conscription14, si l'enrôlement des volontaires a permis de repousser les ennemis en 1792 et 1793, la nécessité a finalement fait loi et imposé les réquisitions et la levée en masse. Cela aboutit au vote de la loi Jourdan-Delbrel qui fonde la conscription et établit une armée qui n'est pas de métier, ce qui en effraie beaucoup. Désormais tous les jeunes gens de 20 à 25 ans sont inscrits sur les registres à partir desquels sont organisées les levées d'hommes. Elles se font en vertu du tirage au sort, tandis que le remplacement est autorisé en l'an VIII, et que les exemptions sont prévues pour les hommes en charge de famille et pour ceux que le conseil de recrutement juge inaptes au service. L'armée fait donc se côtoyer soldats de métier et conscrits, lesquels se professionnalisent en demeurant sous les drapeaux.15

Mais avec un contingent annuel qui passe de 60 000 hommes à 80 000 de 1806 à 1810, puis à 120 000 en 1811, 1812 et 1813 - sans compter les levées extraordinaires16 - la conscription s'est opérée de plus en plus dans l'illégalité. Ainsi, elle concerne aussi des hommes de moins de 20 ans et permet à Napoléon de disposer d'une armée de 450 000 hommes en 1805, de 850 000 en 1809.17 En dépit de ces illégalités et du poids de la conscription, le système a fonctionné correctement jusqu'en 1812. Annie Crépin a montré que l'on peut distinguer trois phases dans les attitudes à l'égard des recrutements. Jusqu'en 1806, alors même que l'impôt du sang n'est pas encore très lourd, il y a encore des émeutes de résistance aux levées d'hommes. De 1806 à 1812, alors que la machine conscriptionnelle commence à s'emballer, les rébellions s'atténuent, mais la répression se fait, il est vrai, plus efficace : « lorsque toute une génération fut rompue à la guerre, l’habitude du service sembla enfin établie, le ressentiment amoindri, la résistance brisée ».18 Enfin, à partir de 1813, les émeutes anticonscriptionnelles sont de nouveau vigoureuses et génèrent même de petites Vendées.19 Ainsi, l'expérience de la guerre est loin d'avoir séduit tous les jeunes Français. Ceux-ci ont été nombreux à préférer rentrer dans l'illégalité plutôt que de se soumettre au port de l'uniforme, à la discipline militaire et au métier des armes. Devenir soldat n'est pas chose facile, même si les familles peuvent dans nombre de cas plaider la soumission, tel ce père qui écrit à son fils qui est alors sur la route de la Russie :

« Mais malgré les fléaux d’une si grande guerre et d’une paix si désirable dans tous les royaumes de l’Europe et circonvoisins, tout cela provient du Tout Puissant ; ainsi, par conséquent, vous voudrez bien avoir du fond du cœur en répétant soir et matin des prières pour la conservation des armées de l’Empire français et toujours être obéissant aux personnes qui ont l’autorité supérieure, et ne jamais penser à la désertion, car les lois du gouvernement sont très sévères envers ceux qui ne se conforment pas au règlement de police ».20

Ainsi, pour tous les conscrits, l'expérience de la guerre est avant tout celle de la soumission à l'autorité familiale, relayée par celle de l'armée.

 

D'une famille à une autre

La guerre génère, au sein de l’armée, l’organisation d’une société en réduction, avec ses hiérarchies et ses codes. Être guerrier, c’est entrer dans des mécanismes de cohésion qui permettent de surmonter les duretés de la vie dans la guerre. L’enrôlement ne signifie cependant pas une entière coupure avec la province natale, car les conscrits d’une classe sont enrégimentés par cohortes. Chaque versement de jeunes recrues introduit dans un régiment, en bloc, des hommes venus d’un même département. Ainsi, le 11 juillet 1807, 148 Vauclusiens sont incorporés dans le 52e régiment d’infanterie de ligne.21 Les conscrits ne connaissent donc pas un isolement complet, la rupture avec la communauté d’origine n’est pas totale, et les solidarités entre les natifs d’un même lieu se renforcent même à la faveur de l’éloignement. Confrontés aux réalités nationales, les soldats continuent néanmoins d’entendre les intonations de leur langue vernaculaire ou les récits d’un passé commun. Ils côtoient des hommes qui ont les mêmes habitudes de vie qu’eux, tandis que les correspondances sont également l’occasion d’entretenir cette cohésion.

Elles permettent de donner à la communauté d’origine des nouvelles de ses camarades. Jean Louis Villard écrit à son père à Bonnieux (Vaucluse), le 6 mai 1808 : « je vous fait savoir que dens le regiment nous plus que deux. Illia plus que moit et Baptiste Beraut ».22 Dans leur ensemble, les lettres des soldats montrent que tout se passe comme si, au sein de chaque groupe de conscrits natifs d’un même village, celui qui a le plus facilement accès à la culture écrite était chargé de maintenir un lien avec la communauté d’origine. Les échanges de courrier, même s’ils se font lentement, sont toujours l’occasion de demander comment vont les parents, mais aussi les amis. Ainsi, Laurent Jaummard, de Bonnieux également, s’inquiète du sort de ceux aux côtés desquels il a grandi : « vous me fairez le plaisir de manvoyer dans le reponse a qui le sort et tombé au dernier qui on fait ».23 Le soldat nourrit l’espoir que sa communauté d’origine soit le plus possible épargnée par l’impôt du sang. Il ne souhaite pas aux plus jeunes le rude sort qu’il connaît, et il pense à son village comme à une grande famille dont il espère que tous les membres restent unis.

Ce lien avec la communauté d’origine apparaît aussi essentiel aux citadins qu’aux ruraux. Lorsque le sergent Faucheur, natif de Clermont-Ferrand, croise des sapeurs d’un régiment dans lequel il apprend qu’il y a beaucoup de Clermontois, il s’emploie à rencontrer ces derniers.24 Les petites patries25 demeurent un repère essentiel : dans l’univers que chacun se reconstruit au sein de son régiment, le lien avec la communauté d’origine apparaît primordial. Peut-être même se soutient-on par la pensée du bonheur des siens. La patrie à laquelle on pense quotidiennement est décidément bien, avant tout, la terre de la famille et des amis où subsiste la vie d’avant l’enrôlement. Les liens épistolaires ont donc été vitaux, ce qui a fait prendre conscience à beaucoup des avantages de la culture écrite.

Si les conscrits ont quitté une famille, ils en ont finalement trouvé une autre grâce à la cohésion et à l’entraide qui règnent au sein des régiments. On y entre par des rites de passage spécifiques dont témoigne par exemple Jacques Chevillet, lorsqu’il écrit à son père le 15 novembre 1801 :

« Pour faire mon noviciat, il me fallut passer par plusieurs étapes d’usage parmi les vieux chasseurs, sans quoi, disaient-ils, on ne peut devenir un bon soldat. Je me prêtai à tout, et en faisant et disant comme eux, je pris un caractère espiègle et je sus me faire bien venir de mes camarades qui me montrèrent d’abord ce qu’il faut savoir ».26

Peu à peu, le régiment devient un autre repère essentiel, au point de constituer pour certains une cellule affective de substitution, au sein de laquelle les liens de camaraderie sont essentiels. Le capitaine Bertrand désigne son régiment comme « sa famille militaire ».27 Victor Dupuy explique comment se forgent de telles cohésions : « Rien n’attache comme les dangers que l’on a partagés, comme les peines, les plaisirs que l’on a éprouvés en commun ».28 Finalement, c’est l’armée même qui peut aussi être perçue comme une nouvelle famille, en tout cas un groupe à l’égard duquel le sentiment d’appartenance est devenu particulièrement fort. Cela pouvait aller au point de susciter, lors du licenciement de l’armée impériale en 1815, un véritable sentiment de deuil.29

Ces facteurs de cohésion éclairent en partie les victoires remportées. Car le courage des hommes au combat tient souvent dans le désir de venger la mort des camarades30, comme en témoigne par exemple le sergent Lavaux :

« Pendant que toute l’Allemagne jouit de la paix la plus profonde, jetons un peu les yeux sur le tableau terrible et sanglant des révolutions d’Espagne. Regardons d’un œil mouillé de pleurs nos frères d’armes égorgés et assassinés dans leurs lits. Crions d’une voix unanime : “ Vengeance ! ”. Courons au plus vite venger la mort de ces braves qui baignent dans leur sang ! »31

Mais avant de remporter de telles victoires, encore faut-il gagner les champs de bataille.

 

En route pour la gloire ? Marches et cantonnements

L'apprentissage du métier de soldat se fait, après une courte initiation dans les dépôts, durant les premières marches. Il appartient alors aux jeunes recrues de se familiariser avec des contraintes qu'ils ignoraient jusqu'alors. Se plier à la discipline militaire, c’est découvrir un rythme de marche différent de celui de la vie civile. C’est porter des vêtements à l’ajustement desquels nul n’est habitué, c’est acquérir, donc, un souci de correction vestimentaire qui apparaît sans doute à beaucoup bien étrange et bien vain. Et c’est aussi apprendre le maniement d’armes à feu qui sont différentes des armes de chasse que certains ont pu connaître antérieurement, ou d’armes blanches qui n’ont rien à voir avec celles qu’ils ont pu manipuler dans leur vie de civils. Ce dressage du corps commence pour beaucoup lors des premières marches qui sont source de douleur, particulièrement pour les jeunes citadins, moins rompus que leurs camarades ruraux à parcourir de longues distances à pied. Ainsi le sergent Faucheur, issu d’une famille de petite bourgeoisie d’office ruinée par la Révolution, se souvient :

« J’avais de bons jarrets et de solides épaules, mais la peau de la plante de mes pieds était encore trop fine et délicate comme celle d’un jeune citadin, de sorte que pour arriver à l’étape je souffris tout ce qu’il est permis d’imaginer ».32

Exténués, les soldats l’étaient d’autant plus qu’ils souffraient en campagne de mauvaises conditions de logement, affrontés en cela aux spécificités de ces guerres où l’usage des tentes a été supprimé.33 Quand ils ne dormaient pas simplement au bivouac, ils ne disposaient souvent que d’églises ou de couvents froids et humides, parfois de maisons non habitées.34 Ils avaient plus encore à faire face à une pénurie de vivres et d’argent. La solde journalière d’un grenadier, d’un carabinier ou d’un voltigeur est de 35 centimes.35 Pour le reste, l’État ne fournit que le pain de munitions et, en temps de guerre seulement, la viande. La maigre solde sert donc à l’acquisition de nourriture et à l’entretien du linge et des chaussures. De surcroît, cette solde n’est pas payée régulièrement : à la fin de 1806, l’arriéré est de cinq mois. Au total, les témoignages ne manquent pas sur cet état quasi permanent de pénurie.36 Le sergent Faucheur décrit les bouillies de viande ou les « ratatouilles » de biscuit dont ils se nourrissent. Il souligne qu’avec un pareil régime, il était impossible d’être correctement restauré et d’endurer facilement des marches épuisantes sous les intempéries. De même, le sergent Lavaux garde de mauvais souvenirs des semaines consécutives à la bataille d’Ostrolenka, en 1807 :

« Il y avait […] plus de trois semaines que nous ne mangions que des pommes de terre. Cela nous avait donné la diarrhée et nous ne pouvions plus tenir sur nos jambes. On aurait dit que nous avions des jambes de cire. Nous avions tous le visage pâle et livide comme des fantômes ».37

À propos de la campagne de 1805, le chirurgien Larrey note que la rapidité des marches n'a jamais permis aux soldats de faire sécher leurs habits.38 Le chirurgien Percy observe pour sa part que durant la campagne de 1807,

« jamais l'armée française ne fut aussi malheureuse. Le soldat, toujours marchant, bivouaquant toutes les nuits, passant les journées dans la boue jusqu'aux chevilles, n'a pas une once de pain, pas une goutte d'eau-de-vie, n'a pas le temps de sécher ses habits, et il tombe de fatigue et d'inanition ».39

Il en résulte généralement une perte d'appétit et un amaigrissement qui fragilisent la constitution physique des recrues. Stéphane Calvet a montré que 7,8 % des nouveaux enrôlés charentais décèdent dès les premiers mois de l'incorporation.40 Jacques Houdaille a d'ailleurs démontré que les maladies ont été plus meurtrières que le feu de l'ennemi.41 Le portrait du soldat en campagne est celui d’un homme souvent affamé et trempé, dormant peu, voué ainsi plus facilement à la maladie.42 Les soldats des armées napoléoniennes ne vivent donc pas dans des conditions qui peuvent garantir l’efficacité de tous au combat.

 

Affronter la violence de guerre. La bataille

Moment d’agression intense, ce qu’elle est déjà sous l’Ancien Régime, la bataille devient cependant, avec les guerres de la Révolution et de l’Empire, plus fréquente et plus meurtrière, impliquant des effectifs plus nombreux que dans la plupart des guerres antérieures. Elle impose aux hommes d’affronter un univers dont la violence constitue un espace sonore et visuel absolument hostile. En témoigne par exemple cette description du combat du pont d’Alcoléa en 1808, par le lieutenant Cosme Ramaeckers :

« Après un combat assez bien soutenu pendant deux heures, le général Dupont fit battre la charge, et ordonna de prendre le pont d’assaut. Aussitôt, on entend de toutes parts, au pont, le bruit du canon, de la fusillade, les tambours qui battent la charge, les cris des soldats animés, les plaintes des blessés, la vue des hommes expirants, le hennissement des chevaux, un nuage de fumée et de poussière, joint à l’odeur de la poudre, formait un assemblage qui frappait les sens de bien des manières ».43

Aux bruits des canons et des fusils s’ajoutent donc ceux des tambours faits pour soutenir la marche des hommes vers le combat. Y répondent les cris des humains, d’ardeur au combat ou de détresse, mais aussi les hennissements des chevaux. Parce que l’artillerie joue un rôle croissant dans ces guerres nouvelles44, c’est elle qui génère tout particulièrement cet univers de bruit et de fureur. La violence des guerres de l'Empire tient notamment à l'intensification de l'usage de l'artillerie, la canonnade est un facteur essentiel de l'augmentation de la mortalité sur les champs de bataille.45 Ainsi Pierre Laurent Paradis a retenu d’Eylau le souvenir d’un « feu continuel » comparé au « tonnerre le plus grondant », « la mitraille, les boulets et les obus nous sifflaient par les oreilles comme les balles ».46 À Waterloo, le bruit le plus fort et le plus insistant est celui des armes : il règne sur le champ de bataille un volume sonore général considérable. Les témoins parlent de tonnerre, de rugissement, de grondement.47

D’autant qu’au bruit et à la fumée, à la poussière et à la chaleur s’ajoute l’omniprésence du sang, ce dont témoigne le sergent Lavaux. Celui-ci a conservé des images précises de la bataille d’Hohenlinden :

« De toutes parts on voyait les sapins par terre comme si on les avait moissonnés. On n’apercevait que des jambes cassées, des têtes mutilées et des bras séparés du tronc. C’était un horrible carnage, le sang coulait, traversait la route et allait se mêler à l’eau d’un ruisseau qui se trouvait près de là. La chaleur du feu m’avait donné une telle soif que je fus forcé de boire de cette eau mêlée de sang ».48

Certes, ces hommes, dans le civil, ont été habitués à la vue des cadavres49 et à celle du sang celui de leurs semblables et plus encore celui des bêtes50, sans oublier les images des massacres des temps de la Révolution.51 Pourtant il semble qu’il leur est difficile de résister au spectacle des corps martyrisés, présents également dans les souvenirs que le cavalier Chevillet a conservés de Wagram :

« Les cris différents des vainqueurs et des vaincus, la fumée, le feu, le bruit, l’éclat des armes, l’explosion des caissons qui sautaient à chaque instant, les obus qui volaient et éclataient en l’air, les immenses débris de toutes parts ; mais le pis de tout cela, c’étaient les malheureux soldats blessés qui étouffaient et rôtissaient sans secours dans les flammes ».52

Les hommes se trouvent ainsi enfermés dans un univers littéralement inhumain, face auquel l’enjeu est de parvenir à retrouver l’usage de ses sens et de son corps : « L’homme a tout d’abord peur de la mort violente [témoigne le général baron Paulin] ; il cède à une révolution interne dont il n’est pas le maître, et qui réagit sur les facultés de l’âme. Mais le premier moment passé, la volonté prend le dessus, le bruit du combat, l’exaspération fébrile des sens, les folies des émotions d’horreur et d’admiration, tout cela excite le soldat au dernier degré ».53

Avoir traversé de telles expériences produit chez ces hommes une altération de la sensibilité, dont témoigne par exemple le colonel Sückow qui dit être devenu capable de « supporter sans broncher le spectacle le plus affreux et de faire posément les actes les plus répugnants ».54 On comprend ainsi que les hommes qui ont connu de tels combats sombrent dans le cynisme ou s'accrochent à des rêves de gloire.

 

Entre cynisme et quête de gloire et d'honneur

Les exigences de la discipline officielle imposent des rapports aux égaux qui ne sont pas forcément dans la logique de la solidarité observée initialement au sein des régiments. Ainsi, à la veille d’Austerlitz, Napoléon interdit de dégarnir les rangs pour emmener les blessés vers les ambulances, défense réitérée avant Wagram.55 De plus, le chirurgien Percy, au lendemain d'Eylau, constate avec effroi

« […] la fureur rapace et l'inhumanité des soldats : on marche sur les cadavres ; on foule aux pieds les membres coupés ; on entend les hurlements des blessés, à qui on retranche douloureusement un membre, et on n'en va pas moins son train ; chacun, occupé de soi, cherche sa vie, court pour ramasser un peu de fourrages, un peu de vivres. On ose même enlever aux pauvres blessés la paille que nous leur avons procurée […]. Point de pitié aux armées… nulle sensibilité ; on n'y voit que des soldats échauffés par le combat, vaillants et braves si l'on veut… que des officiers courageux et intrépides ; on ne doit pas s'attendre à y trouver un homme ».56

Reste que la guerre témoigne aussi de ce que le souci de l’honneur et la quête de gloire animent également les hommes. Le commentaire de Rapp sur Auerstædt est un bel hommage rendu aux soldats :

« Au milieu de ce déluge de feu, [nos troupes] conservaient toute la gaieté nationale. Un soldat que ses camarades appelaient l’Empereur s’impatiente de l’obstination des Prussiens : “A moi, grenadiers ! en avant, s’écrie-t-il ; allons, suivez l’Empereur !” il se jette au plus épais de la mêlée : la troupe le suit et les gardes sont enfoncés. Il fut fait caporal ».57

À l’heure du danger, il existe donc des hommes de troupe pour surmonter les effets de la fatigue et des privations, pour faire écho aux proclamations de l’empereur et aux discours des officiers. De plus, ne faut-il pas ici prendre en compte, comme le suggère George Mosse, la volonté de faire preuve de sa virilité ?58 Quoi qu’il en soit, la gloire semble désormais inscrite au rang des valeurs des conscrits. Le rapport à l’officier et même au simple soldat est en ceci essentiel. Ainsi, le général Paulin souligne que « si, à cet instant psychologique, la main d’un manieur d’hommes sait user de l’ardeur qui l’enflamme, rien ne peut lui arracher la victoire […]. Il y a d’abord une “ involontaire débilité du corps ” puis “ un désir de rivaliser avec les plus vieilles moustaches ” ».59 D’ailleurs, même si les hommes sont las de leur condition de soldat, ils expriment une réelle estime pour les officiers au contact desquels ils vivent quotidiennement60, et qui peuvent devenir des exemples à suivre.

Mais dans cette volonté de vaincre l’ennemi, l’exemple des officiers côtoyés jour après jour n’explique pas à lui seul l’ardeur au combat. La politique de récompenses pratiquées par Napoléon semble avoir entretenu une émulation efficace. Ainsi, en 1809, un tambour-major a été unanimement désigné comme l’homme le plus brave d’un régiment qui venait se couvrir de gloire ; sur le champ, l’empereur le fait lieutenant, chevalier de la légion d’honneur et baron de l’Empire avec 4 000 francs de rente : « Des récompenses pareilles, commente Victor Dupuy, surtout lorsqu’elles étaient aussi bien méritées, produisaient dans les corps le plus vif enthousiasme ».61

La soif de gloire semble venir aussi de ce que les conscrits ont été bercés des récits des exploits des héros des combats antérieurs. Le général Paulin l’a par exemple mentionné à propos de Lützen,

« champ de bataille, où de jeunes conscrits, des enfants, ne sachant pas encore ce qu’est le sifflement d’une balle, se jetaient à l’égal des héros de notre vieille république, sur les canons des Russes et des Prussiens, et […] contribuaient si bien au succès de la journée ».62

Dans une lecture a posteriori, un officier n’hésite donc pas à établir une parfaite continuité entre l’élan des soldats de l’an II et celui des Marie-Louise (les jeunes conscrits de 1813) ; de la levée en masse à la Grande Armée, les héros anonymes seraient tous les sauveurs d’une même nation, née de la République et menacée par les vieilles puissances européennes.

 

La guerre sans la bataille. Guérilla, retraites et camps de prisonniers

Une partie des soldats de Napoléon a été affrontée aux spécificités de la guérilla particulièrement cruelle menée en Espagne, où tout un peuple combat pour sa nation et son indépendance. Les militaires ont le sentiment d’être dans une lutte où ce n’est pas même leur condition d’hommes de guerre qui est mise en danger, mais leur condition humaine, tout uniment. Les civils eux aussi y font l'objet d'une grande violence et sont capables, à leur tour, d'une grande brutalité à l'égard des militaires.

Maurice de Tascher en témoigne à propos de l'affaire de Valdepeñas, en juin 1808, où les habitants établissent de solides barricades pour empêcher le passage des dragons. Ils tendent aussi des cordes au centre de la ville afin de faire chuter les chevaux lancés au galop et aveuglés par la poussière et la fumée. Les habitants jettent sur les soldats toutes formes de projectiles, pavés, pots, meubles. Tout soldat tombé et blessé est emporté dans une maison et achevé par des mutilations féroces.63

En Calabre également, les supplices infligés par les insurgés aux Français tombés entre leurs mains sont d'une inédite violence au point que l'on constate une culture d'anéantissement de l'adversaire.64 À propos de l'assaut mené contre Castro Urdiales, Nicolas Marcel a laissé une description des faits absolument dantesque : habitants défenestrés et embrochés sur les baïonnettes, femmes sauvagement violées ou préférant échapper à leur sort par le suicide, ville dévastée par les flammes deux jours durant.65 Louis Bégos, lieutenant-colonel au deuxième régiment suisse, a vu lui aussi en Espagne les nombreux soldats français mutilés, égorgés, parfois même enterrés vifs.66 Aucune des règles des combats menés ailleurs n’est plus respectée67, ce qui a également été le cas en Russie.

Maintes fois racontée, ne serait-ce qu’au travers des mémoires du sergent Bourgogne ou des célèbres cahiers du capitaine Coignet68, cette campagne a donné lieu à bien d’autres pages de mémorialistes. Ainsi le capitaine François décrit l’arrivée de l’armée à Borizow, le 24 novembre 1812 :

« Qu’on se figure 60 000 malheureux, tous chargés d’une besace, se soutenant avec un bâton, couverts de sales guenilles, à moitié brûlés, rongés par la vermine. Nous avions des têtes hideuses, la figure jaune et enfumée, salie par la terre des bivouacs, noircie par la fumée grasse des sapins, les yeux caves, la barbe couverte de morve et de glace. Nous ne pouvions nous servir de nos mains et boutonner nos pantalons que beaucoup avaient attachés avec une corde. […] Sur toutes les routes on entendait le bruit du broiement des cadavres sous les pieds des chevaux et sous les roues des voitures ».69

Comme en Espagne, mais cette fois en raison du froid, la guerre n’est plus la guerre des batailles rangées. Plus encore qu’en Espagne, le bruit et la fureur des combats traditionnels ont cessé, l’espace sonore est envahi par le bruit des cadavres broyés par les chevaux, et non plus par la canonnade ou le sifflement des balles. Les hommes n’ont même plus figure de guerrier, ils sont non seulement sans uniforme, parfois même sans véritables vêtements, ils perdent même figure humaine. Les seuls combats qu’ils ont à mener, du moins lorsqu’ils sont loin des cosaques, sont ceux par lesquels ils doivent triompher de l’avilissement de leur propre corps.

Or, à propos de la retraite de Russie, le capitaine François indique que l’entraide, en ces circonstances particulièrement douloureuses, a finalement totalement disparu :

« Le grand nombre des isolés provenait de ce que ces malheureux, les mains gelés, ne pouvaient plus tenir leurs armes, erraient à l’aventure et étaient repoussés des bivouacs et des feux parce qu’ils n’apportaient pas de quoi les alimenter. Ils mouraient derrière les groupes de ceux qui se chauffaient et qui, les voyant “ faire l’ours ” (c’était le terme employé [pour désigner ceux qui mouraient]), les dépouillaient sans penser que leur tour pouvait venir. […] celui qui fermait son cœur à tout sentiment de pitié trouvait la force de résister à tant de maux ».70

La guerre met décidément à mal la condition humaine, ce que le futur général Griois a lui aussi perçu en Russie.71 Son long récit de la retraite apporte de nombreux témoignages sur la façon dont la pratique du « chacun-pour-soi » devient la règle dans ce qui subsiste de l’armée. Cette campagne a finalement occupé une place essentielle dans la mémoire des guerres de l’Empire, au point que certains vétérans ont soutenu l’avoir faite alors qu’ils n’en ont qu’entendu les récits.72 Cette guerre-là est devenue emblématique des guerres napoléoniennes.

Pourtant, le paroxysme de la souffrance n'y a peut-être pas été atteint. Il semble que cela ait été réservé à ceux qui ont enduré la condition de prisonnier. Les multiples témoignages des hommes qui ont connu les pontons anglais, l'île de Cabrera73 ou la capture en Russie montrent que le XIXe siècle commençant a su inventer la préfiguration des univers concentrationnaires. C'est en effet dans un véritable camp de travail que se trouve Nicolas Page, au Sud de l'Espagne :

« L’on me donna trois jours de convalescence pour reprendre des forces, le délai était bien court ; après ce délai, il a fallu faire comme les camarades, aller au travail. Je n’avais guère de forces, nous partions tous les matins au point du jour, et nous ne rentrions qu’à la nuit serrée ; nous étions conduits par des hommes cruels et barbares, je crois qu’ils avaient la plus cruelle barbarie africaine ; ils nous donnaient une heure de repos à midi, pour manger notre pauvre petit morceau de pain et de l’eau, car nous n’avions pour toute nourriture [sic], et avec cela il fallait bien travailler. Je fus commandé avec vingt autres camarades, pour tirer des pierres du vieux rempart de Cadix, que la mer avait démoli ».74

Le chirurgien major Chapuis donne un témoignage de même teneur à propos du ponton de la Vieille-Castille :

« La chaleur excessive, la mauvaise qualité des vivres, les privations fréquentes d’eau douce, la vermine, la malpropreté, l’air vicié et les profonds chagrins, ne contribuèrent pas peu à engendrer des maladies : une fièvre putride bilieuse fit des ravages effrayants sur tous les pontons. Les secours manquaient, on ne pouvait pas seulement désaltérer la soif des malheureux, qui étaient mourants. Le médecin espagnol, chargé de la visite, n’allait à bord que tous les huit jours, et ne faisait transporter à l’hôpital de terre que les malades dont la mort paraissait presque certaine. L’espace que l’on avait pour se coucher était si petit, que les morts et les mourants se touchaient, et souvent un prisonnier trouvait, en s’éveillant le matin, ses camarades morts à ses côtés. Il en mourait trente-six à quarante par jour, sur les pontons ; on les jetait immédiatement à la mer pour s’en débarrasser ».75

Tout aussi rude a été le sort des soldats prisonniers des Russes, emmenés en Sibérie dans des conditions extrêmement éprouvantes. Le capitaine Rodolphe Vieillot, officier ayant droit à quelques égards, a certes souffert de la faim, du froid, contrastant souvent avec la chaleur des isbas surchauffées et enfumées dans lesquelles ses compagnons d'infortune et lui faisaient étapes. Mais il a eu conscience de ce que son sort demeurait plus enviable que celui des simples soldats dont les colonnes se trouvaient réduites par les mauvais traitements et la férocité des cosaques.76 Les prisonniers sont régulièrement battus et dépouillés, par les cosaques ou même par les paysans dont certains enterrent vivants ces Français qu'ils haïssent.77 Nombre de prisonniers ont dû faire route en étant couverts de simples haillons. Le commandant Breton a vu les prisonniers « s'emparer avec avidité, pour se couvrir, de misérables lambeaux sur lesquels, une heure avant, ils eussent craint de marcher ».78

Charles-François Minod a rapporté la détresse de ceux qui étaient blessés et réclamaient qu'on les achève pour que leurs maux soient abrégés. Il a dit les coups de fouets reçus des cosaques à la moindre plainte, la maigre nourriture distribuée par leurs geôliers, l'absence de moyens de se chauffer.79 Breton a témoigné des coups de lances infligés par les cosaques aux prisonniers qui avaient les pieds gelés et qui ne parvenaient plus à marcher : « quand définitivement ces malheureux ne pouvaient plus […] obéir, ils étaient inhumainement assassinés, en poussant des cris plaintifs et déchirants ».80 Les hommes de l'Empire ne pouvaient pas rentrer indemnes de ces campagnes – s’ils rentraient.

 

Ce que la guerre fait aux hommes de l'Empire. Maladies et blessures

Pour beaucoup de soldats, l'horreur de la bataille est suivie de la douleur des blessures. Les témoignages laissés notamment par les chirurgiens Percy et Larrey laissent mesurer que les hommes sont alors affrontés à de très rudes situations. Ainsi chaque soldat craint par-dessus tout la lente agonie que peut générer la blessure.

Les coups de feu ou de canons, les coups de sabre ou de lance mutilent douloureusement les corps.81 Tel grenadier a reçu sept coups de sabre, un hussard a eu l'oreille et la joue coupées.82 Percy a également constaté des blessures tout à fait singulières. Il a entre autres vu un boulet de trois dans l'épaisseur du mollet d'un voltigeur dont les os sont ainsi fracturés. Un autre a reçu plus de soixante coups de lance de cosaque dont aucun n'a pénétré, alors qu’un canonnier a eu ses deux jambes emportées sans perdre de sang.83 Un simple coup de feu reçu dans le genou génère une blessure peu spectaculaire et qui pourtant conduit à la mort dans 95 % des cas s'il n'y a pas d'amputation. Mais comme le soldat ne voit pas sa jambe abimée, il peine à se résoudre à la perdre.84

Les longs et minutieux mémoires de Larrey rendent compte du grand nombre des amputations, dont la pratique évitait la gangrène. Ils laissent également comprendre que nombre de blessés sont rentrés chez eux avec des « gueules cassées » dont le premier conflit mondial n'a pas eu l'exclusivité.85 L'étude des dossiers de retraite des Charentais montre que 75 % de leurs blessures ont été provoquées par les fusillades. Mais cette proportion est de 80 % pour les fantassins et artilleurs, et de 35 % pour les cavaliers, plus souvent touchés, pour leur part, par des coups de sabres.86 Notons toutefois que les dossiers militaires comptabilisent la moindre blessure : chaque blessure est une incarnation du courage de celui qui en porte la marque, mais toutes les blessures ne génèrent pas forcément de longues douleurs ni une suspension d'activité.87

À l'issue d'une seule journée de bataille, on peut compter jusqu'à 1 500 blessés.88 Après Eylau, sur 4 000 blessés confiés à Percy, mille sont dans un état très grave, un tiers sont promis à la mort « parce que la mitraille et les éclats d'obus ont fait les plus grands ravages, mais le sabre et la baïonnette ont aussi fait beaucoup de mal ».89 Au total, l'armée française a perdu 4,5 % de ses effectifs à Eylau. Si l'on prend en compte les unités réellement engagées, cette proportion passe à 9 %, et à 25 % si l'on considère également les blessés.90 À la Moskowa, les pertes de l'armée napoléonienne sont de 23 à 25 %, et de 35 à 37 % du côté russe.91 Au moment du siège de Dantzig, Percy estime que la proportion des malades est d'un sur sept, celle des morts d'un sur seize. Il précise que les jeunes hommes sont bien plus souvent touchés que les anciens soldats.92

Tandis que les ambulances sont à une portée de canon des champs de bataille93, les hôpitaux de campagne sont souvent établis dans des maisons disséminées94 ou dans des églises95, dans des couvents ou des hospices civils96, ou encore dans des châteaux97. Ils manquent de matériel et de nourriture : « toutes les administrations sont appuyées, soutenues ; celle-là est délaissée », déplore Percy98, qui note souvent que l'on manque de charpie. Après Iéna, Percy voit les blessés laissés « dans l'ordure, au milieu des excréments de ceux qui ne peuvent se lever, des jambes et bras qui ont été coupés, des cadavres ensanglantés, du fumier qu'a produit le peu de paille sur laquelle ils sont jetés ».99 À l'issue de cette même bataille, Maurice de Tascher note que le spectacle d'une ambulance au moment d'une bataille est affreux : « Il y a ici plus de 3 600 blessés et on manque de chirurgiens, de charpie de tout ce qui est nécessaire ». Il observe que dix jours après la bataille, nombre de blessés n'étaient pas encore pansés et plusieurs amputations n'étaient pas encore faites.100

Dans les hôpitaux mêmes, les conditions sont déplorables. Percy en vient à estimer qu'un malade a plus de chances de survie en restant exposé aux intempéries qu'en étant placé avec cinq cents autres hommes dans un hôpital, car « c'est là que les fièvres de mauvais caractère naissent, se multiplient, se propagent ».101 Larrey en a donné de précises descriptions qui laissent comprendre les souffrances dans lesquelles les hommes sont morts.102 Maurice de Tascher a noté que l'air que les malades respirent à l'hôpital suffit à faire périr ceux qui ne sont pas encore morts de leurs blessures ou de faim.103 De plus, l'armée manque cruellement de servants de chirurgie pour évacuer rapidement les blessés. Alors que chaque chirurgien devrait en avoir en permanence 25 avec lui, il n'en a presque jamais.104 Toutefois, l'étude du sort des blessés révèle les inégalités qui existaient au sein de l'armée : Larrey révèle que la Garde impériale a bénéficié de bien meilleures conditions de soin et d'hospitalisation. Sa mortalité y a été grâce à cela moins importante.105

 

De la rencontre de la nation à la fascination pour un chef

Les hommes sont donc appelés sous les drapeaux en vertu de leur citoyenneté. Ils trouvent dans l'armée une école d'apprentissage de la discipline, de la lecture et de l'écriture, de la nation également.106 La guerre est en effet un vecteur du succès de la notion de patrie. Puisque sous l’uniforme on est plus français que breton ou provençal, les hommes assimilent de mieux en mieux patrie et nation.107

« L’armée [française], souligne Keegan, restait fidèle dans sa philosophie aux idéaux de la Révolution ; anti-Bourbon, anticléricale, égalitaire, ouverte aux talents nouveaux. Des milliers de jeunes Français ont essayé d’échapper à la conscription. Mais tant que les emblèmes restaient tricolores, tant qu’ils entendaient promouvoir la Liberté, l’Egalité, la Fraternité, ceux qui servaient sous les drapeaux pouvaient encore se consoler en se disant que l’idéal révolutionnaire était toujours vivant ».108

Jean Joseph Pothier proclame encore en 1813 : « si je meurs au service je mourrai pour ma gloire et pour ma patrie ».109 Mais que signifie alors, pour lui, le mot patrie ? Le destin de la Révolution ne l’a-t-il pas finalement privé du sens qu’il a pu prendre en 1792 ? Bien sûr, Napoléon n’a pas négligé de donner les valeurs « honneur et patrie » pour devise à la Légion d’honneur, cette récompense si enviée par chaque soldat.110 En même temps ses proclamations à ses armées ont tenté d’entretenir la ferveur patriotique.111 Mais celle-ci ne trouve plus, en revanche, à l’arrière, de clubs politiques pour s’exprimer comme au temps de la Révolution. Quant à la conjoncture diplomatique, elle ne permet plus forcément de savoir dans quelle mesure la patrie est encore en danger.

En réalité la majorité des lettres des membres des armées napoléoniennes sont caractérisées entre autres par leur silence sur le patriotisme112: en définitive, ces hommes servent d’abord par contrainte. Leur culture de guerre est donc entre autres une culture de l’obéissance, résultant tout à la fois de la discipline des familles et des exigences de l’État. Après quoi ils peuvent se laisser conquérir par une ambiance guerrière qui les conduit à une fierté nationale. Celle-ci éclate dans la lettre que le soldat Marchal écrit de Moscou, le 25 septembre 1812 : « Les Russes ne veulent pas faire la paix, mais ils apprendront par la suite ce que c’est que de faire la guerre aux Français ».113

Mais s'ils ne s’immolent guère pour la patrie, ces soldats se sont plus souvent enthousiasmés pour Napoléon, perçu comme un homme au génie prodigieux. Et les témoignages ne manquent pas des cris de « Vive l’empereur » qui éclatent au moment des offensives. Mais quelle est alors la part de la stimulation des officiers ? Reste que cette fascination pour l’empereur114 apparaît par exemple dans le récit de Jean Jacques Lambry, qui part faire la campagne de Saxe comme brigadier d’une garde d’honneur.115 Lettres et mémoires des membres de la Grande armée dépeignent souvent Napoléon comme un dieu vivant, comme un être invincible souvent désigné par l’expression de « grand homme », qui devient même sous certaines plumes « notre grand homme ».116 Le capitaine Bertrand explique que « l’empereur restait pour nous, je ne dirai pas un Dieu, car nous n’en reconnaissions qu’un seul, mais notre Empereur ni plus, ni moins ».117 Louis Bégos, témoigne en rédigeant ses mémoires non seulement de son amour pour son pays, la Suisse, mais aussi de son admiration « pour le grand capitaine ».118 Si bien que lorsque le capitaine Routier reçoit 60 francs de l’empereur, comme tous ses camarades blessés à Wagram, il les emploie non pas à améliorer son ordinaire de malade, mais à acheter une montre en argent conservée « comme un souvenir précieux de cette époque et comme représentant le don que me fit alors l’empereur ».119

La scène sur laquelle se déroulent désormais les conflits est aux yeux des soldats occupée avant tout par le chef de leur armée. Leur dévouement à Napoléon Bonaparte relève des habitudes militaires où le chef, garant de la victoire et soucieux des conditions de vie de ses hommes, est perçu comme un père.120 Si la Révolution a manqué d’un véritable chef de guerre, ce qui fait la spécificité du régime qui la suit est de tenir précisément par le charisme du souverain, comme le suggère le capitaine François à propos d’octobre 1805 : « malgré notre misère la présence de notre empereur et nos succès nous faisaient tout supporter ».121 Jacques Chevillet, à propos de la bataille d’Ulm, souligne que les troupes étaient « soutenues par la présence et le génie de Napoléon »122, et les réactions demeurent identiques pendant la retraite de Russie :

« Malgré ces maux épouvantables, la personne de l’Empereur ne cessait d’être considérée comme le palladium qu’il fallait sauver à tout prix. Sa présence électrisait nos cœurs abattus et nous donnait encore un reste d’énergie. La vue de notre premier chef, marchant à pied au milieu de nous, partageant nos privations, provoquait par moment l’enthousiasme des jours de victoire ».123

Et même durant la campagne d’Allemagne, la confiance dans le chef suprême de l’armée semble demeurer inébranlable : « Nous avions alors une confiance si illimitée en Napoléon [témoigne Faucheur], que sous son commandement immédiat, nous nous regardions comme invincibles ».124

C’est dans les volontés du souverain que ces hommes trouvent finalement le sens à donner au monde dans lequel ils sont amenés à agir. Voués à supporter des conditions de vie et de combat des plus pénibles, ils n’acceptent ces sacrifices que dans la mesure où ils sont compensés par la certitude de la victoire et, donc, de la gloire, ce dont Napoléon est le garant. Le général Lejeune éclaire lui aussi comment les soldats pouvaient se battre pour un homme de qui ils semblaient prêts à tout accepter :

« Le hasard, la fortune, n’entraient pour rien dans nos réussites miraculeuses ; le génie de Napoléon, sa sagesse, sa prévoyance laborieuse et active, préparaient tout, combinaient tout ; et s’il savait impérieusement se faire obéir, il savait encore mieux inspirer aux siens une confiance et un dévouement qui ne laissaient rien d’impossible lorsqu’ils agissaient pour lui, d’après ses indications. Notre Petit Caporal, se disaient-ils, a ordonné cela ; il faut donc que je réussisse ».125

En définitive, du patriotisme révolutionnaire a subsisté un sentiment unitaire. En même temps persistent des traits d’Ancien Régime dans les mentalités de ces hommes encore sensibles à la personnification du pouvoir, mais aussi, peut-être, à la gloire, car la peur de la défaite apparaît parfois plus grande que la peur du combat.126 Abel Poitrineau a relevé que la grande habileté de Napoléon consiste à faire part de sa gloire à son armée, « et par ricochet, au peuple français que la conscience de sa grandeur et de sa puissance oblige ».127 De ce sentiment sont révélatrices les réflexions suggérées au grenadier Picart observant Napoléon durant la retraite de Russie : « Notre Empereur marchant à pied, un bâton à la main, lui si grand, lui qui nous a faits si fiers ! » Et un simple soldat, comme Joseph Quentin, parti avec la levée de 1807, n’hésite pas à affirmer sa joie de partir aux armées.128

Ainsi, l’acceptation du départ aux armées à l’aube des temps contemporains n’est pas forcément le signe de l’intériorisation de l’idée de nation. Si celle-ci existe plus ou moins intensément, elle se mêle à la soumission habituelle au pouvoir et à l’admiration pour un chef reconnu comme tel, apparemment du moins, par la communauté nationale qui s’éloigne peu à peu des idéaux de 1792. Les hommes appelés à faire la guerre dans les armées napoléoniennes semblaient finalement combattre moins pour la nation que pour un homme. Mourir pour la patrie dans les armées de Napoléon, c’est aussi être héritier de l’habitude de servir le souverain : prince et nation persistent à être confondus, comme ils l’étaient au XVIe siècle.129

 

La découverte de l'espace européen

Entre marches, cantonnements et combats, les soldats de l'Empire ont été conscients de l’altérité des espaces traversés. Certes, ce qui serait aujourd’hui qualifié de curiosité touristique ne retient guère leur attention. Ils jettent surtout sur les contrées étrangères des regards de sociologues, d’anthropologues ou de géographes avant l’heure. Peu diserts, en effet, sur les monuments qu’ils ont l’occasion de voir, ils observent en revanche avec étonnement les méthodes de culture autres que celles qu’ils connaissent ou les autres rythmes de saisons. Fils de vigneron, le sergent Lavaux fait des remarques sur le statut des paysans de Pologne : « Les habitants ont des charrues et des boeufs pour cultiver la terre. Mais ces animaux ne leur appartiennent pas. Le produit de la récolte, ils le portent chez le gotvéra, et celui-ci leur donne, suivant son bon plaisir, du seigle et de l’orge pour subsister ».130

Le cavalier Chevillet observe en Hollande que « l’on fauche les foins plus tard que dans nos pays, vu qu’ils sont encore à cette époque emmeulés dans les prairies ».131 Comme les modes de culture, les modes de vie suscitent des remarques, notamment lorsqu’ils paraissent quasiment exotiques, en témoignent les notes de Lavaux :

« [L’Andalousie] est très renommée pour les chevaux andalous, et aussi pour les vins muscats, malaga, etc. Pour tout dire d’un mot, l’Andalousie est la cave et le grenier de l’Espagne. On y rencontre surtout de bonnes oranges du Portugal, des citrons, des grenades qui sont excellentes au goût, et des figues en grande quantité. […] Les habitants ne travaillent presque pas. Il leur suffit de travailler deux jours par semaine, et ils ont assez pour vivre le restant. La terre produit quatre fois plus qu’il ne leur faut pour vivre ».132

Mais le sentiment d’exotisme peut être généré par le spectacle de la misère, auquel, par exemple, le général Griois se montre fort sensible :

« Les villages de Pologne sont misérables, ainsi que leurs habitants. Tous les paysans sont la propriété de leurs seigneurs, dont les châteaux magnifiques font ressortir la pauvreté des cabanes ».133

Et Lejeune est frappé de la même façon par ce qu’il observe dans les mêmes contrées : « En poursuivant nos succès, nous nous arrêtâmes quelques jours à Posen, où les grands de la Pologne vinrent présenter leurs hommages à l’Empereur dans leur costume oriental. Ces étoffes, ces fourrures, ces habillements, ces armes si riches des maîtres, et les vêtements si pauvres des serfs ; l’air si noble des premiers, le maintien si abaissé des seconds, donnaient à la Pologne, où nous entrions, un aspect très nouveau pour nous et qui me frappa singulièrement ».134

Ces témoignages indiquent comment, aux extrémités de l’Europe, en Espagne comme en Pologne ou en Russie, les soldats de Napoléon prennent conscience des diversités du monde. Ils trouvent ainsi autant d’occasions de mieux intérioriser les spécificités de leur identité d’origine. En Espagne, Maurice de Tascher note avec précision, jour après jour, tout ce qui des modes de vie, d'habitat, de nourriture, d'habillement diffère de ce qu'il connait en France et livre ainsi des pages d'ethnographie fort précieuses. [136] Par ailleurs, les campagnes napoléoniennes ont bien signifié pour les soldats expérience du moi, aventure et hasard en même temps qu’exaltation des sens. Elles ont donc bien été pour ces hommes un changement de perspective qui les renvoie dans leurs villages ou dans leurs villes. Dans cette mesure, elles ont été riches d’une approche nouvelle de l’existence et symboles de ce fait de l’entrée des sociétés de l’orée du XIXe siècle dans une ère nouvelle, celle de la contemporanéité.

 

Conclusion

Finalement, les renouvellements de l'histoire des guerres de l'Empire ont permis de démontrer combien l'histoire des hommes en guerre peut être féconde. Car elle est aussi une histoire politique : celle des attitudes à l’égard de la pénétration des normes, de la conscription par exemple, ou de l’hostilité au régime impérial français, en Allemagne notamment. C’est par ailleurs avoir un point d’observation du fonctionnement des communautés de village face aux départs, aux mariages, aux fraternités dans les rangs de l’armée. C’est encore saisir les modes de contacts entre des populations et des cultures différentes. C’est également une voie d'entrée essentielle pour l'histoire des sensibilités et des émotions : observer les hommes en guerre dans l’Europe napoléonienne, c’est se donner les moyens de comprendre les voies d’affirmation de la masculinité, les rapports aux temporalités, les limites de la résistance des êtres humains mais aussi des chevaux dans le froid extrême ou dans les fortes chaleurs. C’est enfin analyser certains processus de formation des individus, puisque ces expériences de guerre sont souvent vécues à un très jeune âge. La vie politique et sociale dans l'Europe du premier XIXe siècle est portée par les hommes qui ont fait et connu ces guerres : tout le XIXe siècle est marqué par leur histoire qui mérite donc bien cet actuel renouveau d'attention.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  • 1. Marc Bloch et Lucien Febvre figuraient parmi les fondateurs de la fameuse école des Annales dans les années 1920 en France. Celle-ci développait notamment une nouvelle méthodologie qui mit l’accent sur une approche historiographique plus globale en élargissant l’analyse sur des aspects sociaux jusque-là négligés.
  • 2. Jean Morvan, Le soldat impérial (1800-1814), Paris 1999 (1ère édition en 1904), 2 tomes.
  • 3. Marcel Baldet, La vie quotidienne dans les armées de Napoléon, Paris 1964 ; Alain Pigeard, L’armée napoléonienne, 1804-1815, Voreppe 1993 ; Le même, L’armée de Napoléon, 1800-1815. Organisation et vie quotidienne, Paris 2000 ; Jean-Claude Damamme, Les soldats de la Grande armée, Paris 1998.
  • 4. Voir la synthèse de tous ces travaux dans Annie Crépin, Histoire de la conscription, Paris 2009.
  • 5. Natalie Petiteau, Lendemains d’Empire. Les soldats de Napoléon dans la France du XIXe siècle, Paris 2003.
  • 6. La même, Pour une anthropologie historique des guerres de l’Empire. Dans : Revue d’histoire du XIXe siècle 30 (2005), p. 45-63.
  • 7. Jean-Yves Guiomar, L’invention de la guerre totale, Paris 2004.
  • 8. Jacques Antoine Hippolyte de Guibert, Défense du système de guerre moderne, Neuchâtel 1779.
  • 9. Bernard Gainot, compte-rendu du livre de Jean-Yves Guiomar, L’invention de la guerre totale. Dans : Annales historiques de la révolution française 343 (2006), p. 239-241.
  • 10. David Bell, The First Total War. Napoleon’s Europe and the Birth of Warfare as We Know It, Boston/ New York 2007.
  • 11. Denis Smith, Les soldats oubliés de Napoléon, 1809-1814, Paris 2005 ; Stéphane Calvet, Destins de braves. Les officiers charentais de Napoléon au XIXe siècle, Paris 2010 ; Annie Crépin/ Bernard Gainot (dir.), Guerre(s), société(s), mémoire(s). Dans : Annales historiques de la Révolution française 348 (N° spécial, avril-juin 2007) ; Mathieu Brevet, Les expéditions coloniales vers Saint-Domingue et les Antilles (1802-1810), thèse pour le doctorat soutenue sous la direction d’Olivier Zeller, Université Lyon II, 2007 ; Nicolas Cadet, « Un paradis habité par des diables ». La guerre de Calabre de 1806-1807, expérience combattante et violence de guerre sous le Premier Empire, thèse pour le doctorat soutenue sous la direction de Stéphane Audouin-Rouzeau, E.H.E.S.S., 2008 ; Jean-Philippe Cénat, De la guerre de siège à la guerre de mouvement. Une révolution logistique à l’époque de la Révolution et de l’Empire ? Dans : Annales historiques de la Révolution française 348 (2007), p. 101-115 ; Thomas Hippler, Les soldats allemands dans l’armée napoléonienne d’après leurs autobiographies. Micro-républicanisme et décivilisation. Dans : ibid., p. 117-130 ; Natalie Petiteau/ Jean-Marc Olivier/ Sylvie Caucanas (dir.), Les Européens dans les guerres napoléoniennes, Toulouse 2012 ; Jean-François Chanet/ Annie Crépin/ Christian Windler (dir.), Le temps des hommes doubles. Les arrangements face à l'occupation, de la Révolution française à la guerre de 1870, Rennes 2013.
  • 12. Marie-Pierre Rey, L’Effroyable Tragédie. Une nouvelle histoire de la Campagne de Russie, Paris 2012 ; Jacques-Olivier Boudon, Napoléon et la campagne de Russie (1812), Paris 2012.
  • 13. Annie Crépin, Histoire de la conscription, Paris 2009, p. 59-62.
  • 14. Ibid., p. 63-73.
  • 15. Ibid., p. 89-143.
  • 16. Ibid., p. 144.
  • 17. Ibid., p. 146-147.
  • 18. Alan Forrest, La formation des attitudes villageoises envers le service militaire : 1792-1814. Dans : Paul Viallaneix/ Jean Ehrard (dir.), La bataille, l'armée, la gloire, 1845-1871, Clermont-Ferrand 1985, t. 1, p. 171-182.
  • 19. Crépin, Conscription (cf. note 13), p. 151-152.
  • 20. Ibid., p. 5.
  • 21. Service Historique de l’Armée de Terre (SHAT), 21 Yc 435, contrôles de troupes du 52e régiment d’infanterie de ligne.
  • 22. Archives départementales de Vaucluse (ADV), 1 J 161. L’orthographe, la ponctuation et les majuscules de l’auteur sont respectées.
  • 23. ADV, 1 J 161, lettre de Laurent Jaummard à Claude Jaummard, à Bonnieux, écrite à Madrid, 12 mai 1808.
  • 24. [Narcisse Faucheur], Souvenirs de campagnes du sergent Faucheur, texte établi et présenté par Jacques Jourquin, Paris 2004, p. 179.
  • 25. Voir Jean-François Chanet, L’école républicaine et les petites patries, Paris 1996.
  • 26. Jacques Chevillet, Souvenirs d’un cavalier de la Grande Armée, 1800-1810, préface de Henry Houssaye, présenté et annoté par Christophe Bourachot, Paris 2004, p. 29.
  • 27. Capitaine Bertrand, Mémoires. Grande armée, 1805-1815, Paris 1999, p. 104.
  • 28. Victor Dupuy, Souvenirs militaires, 1794-1816, Paris 2001 (1ère édition en 1892), p. 110.
  • 29. [Charles François], Journal du capitaine François, dit le dromadaire d’Égypte, présenté par Jacques Jourquin, Paris 2003, p. 753.
  • 30. Alan Forrest, Napoleon’s Men. The Soldiers of the Revolution and Empire, London/ New York 2002, p. 114.
  • 31. Sergent Lavaux, Mémoires de campagne, présentés par Christophe Bourachot, Paris 2004, p. 133.
  • 32. Souvenirs de campagnes du sergent Faucheur (cf. note 24), p. 108.
  • 33. Gunther E. Rothenberg, The Art of Warfare in the Age of Napoleon, Bloomington/ London 1978, p. 82.
  • 34. Capitaine Gervais, A la conquête de l’Europe. Souvenir d’un soldat de l’Empire, Paris 2002, p. 138.
  • 35. Alain Pigeard, L’armée napoléonienne (cf. note 3), p. 322.
  • 36. Ce qui est confirmé par Alan Forrest, Napoleon’s Men (cf. note 30), p. 152-153.
  • 37. Sergent Lavaux, Mémoires de campagne (cf. note 31), p. 126.
  • 38. Baron Larrey, Mémoires et campagnes, 1786-1811, Paris 2004, p. 366.
  • 39. Pierre-François Percy, Journal des campagnes du baron Percy, chirurgien en chef de la Grande Armée, Paris 2002, p. 137.
  • 40. Stéphane Calvet, Combattre sous l'Empire. Dans Petiteau/ Olivier/ Caucanas (dir.), Les Européens dans les guerres napoléoniennes (cf. note 11), p. 13-31, p. 14.
  • 41. Jacques Houdaille, Le problème des pertes de guerre. Dans : Revue d'histoire moderne et contemporaine 17 (juillet-septembre 1970), p. 411-423.
  • 42. Georges Lefebvre, Napoléon, Paris 1969 (1ère édition en 1936), p. 203.
  • 43. Du Tage à Cabrera. Souvenirs de deux lieutenants et d’un caporal, Paris 1999, p. 82.
  • 44. Jean Morvan, Le soldat impérial (cf. note 2), t. 2, p. 264 et p. 282.
  • 45. Walter Bruyère-Ostells, Borodino. Pistes de réflexion anthropologique d'une bataille napoléonienne. Dans : Petiteau/ Olivier/ Caucanas (dir.), Les Européens dans les guerres napoléoniennes (cf. note 11), p. 121-137, p. 125.
  • 46. Léon Hennet/ Emmanuel Martin (éd.), Lettres interceptées par les Russes durant la campagne de 1812, Paris 1913, p. 23.
  • 47. John Keegan, Anatomie de la bataille. Azincourt 1415, Waterloo 1815, La Somme 1916, Paris 1993 (1ère édition en 1976), p. 113-114.
  • 48. Sergent Lavaux, Mémoires de campagne (cf. note 31), p. 83.
  • 49. Philippe Ariès, L’homme devant la mort. T. 2 : La mort ensauvagée, Paris 1977, p. 29-31 ; Michel Vovelle, La mort et l’Occident de 1300 à nos jours, Paris 1983, p. 632 notamment.
  • 50. Maurice Agulhon, Le sang des bêtes. Le problème de la protection des animaux en France au XIXe siècle. Dans : Le même, Histoire vagabonde, Paris 1988, tome I, p. 243-282.
  • 51. Voir sur ce sujet la synthèse d’Alain Corbin. Dans : Le même, Histoire du corps. T. 2 : De la Révolution à la Grande Guerre, Paris 2005, p. 214-227.
  • 52. Jacques Chevillet, Souvenirs d’un cavalier (cf. note 26), p. 247.
  • 53. Général baron Paulin, Souvenirs, publiés par le capitaine du génie Paulin-Ruelle son petit-neveu, Paris 2002 (1ère édition Paris 1895), p. 68-69.
  • 54. Karl von Sückow, Fragments de ma vie, Paris 1901, p. 215.
  • 55. Jean Morvan, Le soldat impérial (cf. note 2), t. 2, p. 273 et 284.
  • 56. Journal des campagnes du baron Percy (cf. note 39), p. 171.
  • 57. Jean Rapp, Mémoires du général Rapp (1772-1821), aide de camp de Napoléon, écrits par lui-même, édition revue et annotée par Désiré Lacroix, Paris s.d. (1ère édition en 1823), p. 86.
  • 58. George L. Mosse, De la Grande Guerre au totalitarisme. La brutalisation des sociétés européennes, Paris 2003, p. 27. Et, du même auteur, L’image de l’homme. L’invention de la virilité moderne, Paris 1997.
  • 59. Général baron Paulin, Souvenirs (cf. note 53), p. 69.
  • 60. Émile Fairon/ Henri Heuse (dir.), Lettres de grognards, Liège/ Paris 1936, p. 362.
  • 61. Victor Dupuy, Souvenirs militaires (cf. note 28), p. 116.
  • 62. Général baron Paulin, Souvenirs (cf. note 53), p. 260.
  • 63. Maurice de Tascher, Journal de campagne, 1806-1813, Paris 2008, p. 95.
  • 64. Nicolas Cadet, La question de la brutalisation des conflits à l'époque napoléonienne : l'exemple de la guerre de Calabre de 1806-1807. Dans : Petiteau/ Olivier/ Caucanas (dir.), Les Européens dans les guerres napoléoniennes (cf. note 11), p. 93-119, p. 98-99.
  • 65. Jean-Marc Lafon, Des violeurs et meurtriers ordinaires ? Les officiers et soldats napoléoniens en Espagne. Analyse du sac de Castro Urdiales (Cantabrie, 11 mai 1813). Dans : Petiteau/ Olivier/ Caucanas (dir.), Les Européens dans les guerres napoléoniennes (cf. note 11), p. 93-119, p. 152.
  • 66. Louis Bégos, Souvenirs des campagnes au service de France, Gollion/ Paris 2012, p. 37.
  • 67. Voir sur ce même sujet le témoignage d’un sergent en compagnie duquel le lieutenant De Brandt, en février 1811, visite la citadelle de Pampelune : « Monsieur le lieutenant, ce qui se passe ici brise le cœur des vieux soldats d’Iéna, d’Eylau et de Wagram. Il ne se passe pas de semaine que nous n’ayons des outrages à supporter de la part de cette canaille, qui n’a pas le courage de nous attendre les armes à la main, comme là-bas en Prusse, en Autriche et en Pologne ». Dans : Général De Brandt, Souvenirs d’un officier polonais. Scènes de la vie militaire en Espagne et en Russie (1808-1812), Paris 2002 (1ère édition en 1877), p. 172-173.
  • 68. Adrien Jean-Baptiste François Bourgogne, Mémoires du sergent Bourgogne, nouvelle édition par Gilles Lapouge, Paris 1992 ; Jean-Roch Coignet, Les cahiers du capitaine Coignet, texte établi et préfacé par Jean Mistler, Paris 1968.
  • 69. Journal du capitaine François (cf. note 29), p. 690.
  • 70. Ibid.
  • 71. Voir Lubin Griois, Mémoires du général Griois, 1812-1822, Paris 2003.
  • 72. Petiteau, Lendemains d’Empire (cf. note 5), p. 128-131.
  • 73. Denis Smith, Les soldats oubliés de Napoléon. Prisonniers sur l'île de Cabrera, 1809-1814, Paris 2005.
  • 74. Ibid., p. 62.
  • 75. [S.a.], Pontons et prisons sous le Premier Empire, Paris 1998, p. 11-12.
  • 76. Rodolphe Vieillot, Souvenirs d'un prisonnier en Russie pendant les années 1812-1813-1814, présentés par Sandrine Crochard, Luneray 1996, p. 163 notamment.
  • 77. Boudon, Napoléon et la campagne de Russie (cf. note 12), p. 253.
  • 78. Auguste-Denis-Hippolyte Breton, Lettres de ma captivité en Russie. Dans : Le même, Combats et captivité en Russie, Paris 1999, p. 116.
  • 79. Charles-François Minod, Journal des campagnes et blessures de Charles-François Minod. Dans : ibid., p. 43.
  • 80. Breton, Lettres (cf. note 7), p. 125.
  • 81. Voir le catalogue des blessures dans Jean-François Lemaire, Les blessés dans les armées napoléoniennes, Paris 1999, p. 31-96.
  • 82. Percy, Journal (cf. note 39), p. 28.
  • 83. Ibid., p. 173.
  • 84. Ibid., p. 241.
  • 85. Baron Larrey, Mémoires et campagnes, 1786-1840, Paris 2004, 2 tomes.
  • 86. Calvet, Combattre sous l'Empire (cf. note 40), p. 17.
  • 87. Bruyère-Ostells, Borodino (cf. note 45), p. 124-125.
  • 88. Percy, Journal (cf. note 39), p. 28. Sur 500 blessés arrivés un soir à son hôpital, Percy a compté dans la nuit qui a suivi 40 décès.Ibid., p. 30.
  • 89. Ibid., p. 168.
  • 90. Calvet, Combattre sous l'Empire (cf. note 40), p. 17.
  • 91. Bruyère-Ostells, Borodino (cf. note 45), p. 123.
  • 92. Percy, Journal (cf. note 39), p. 227.
  • 93. Ibid., p. 237.
  • 94. Ibid., p. 131.
  • 95. Ibid., p. 179.
  • 96. Baron Larrey, Mémoires et campagnes (cf. note 85), t. 1, p. 368.
  • 97. Percy, Journal (cf. note 39), p. 274.
  • 98. Ibid., p. 16.
  • 99. Ibid., p. 87.
  • 100. De Tascher, Journal de campagne (cf. note 63), p. 33-34.
  • 101. Percy, Journal (cf. note 39), p. 192.
  • 102. Baron Larrey, Mémoires et campagnes (cf. note 85), t. 1, p. 371-372 par exemple.
  • 103. De Tascher, Journal de campagne (cf. note 63), p. 34.
  • 104. Percy, Journal (cf. note 39), p. 261.
  • 105. Baron Larrey, Mémoires et campagnes (cf. note 85), t. 1 passim, et t. 2, p. 725-966.
  • 106. Crépin, Conscription (cf. note 13), p. 113-114.
  • 107. Jean-Claude Caron, La nation, l’État et la démocratie en France, Paris 1995, p. 26.
  • 108. Keegan, Anatomie (cf. note 47), p. 152.
  • 109. Fairon/ Heuse (dir.), Lettres de grognards (cf. note 60), p. 381.
  • 110. Claude Ducourtial/ Louis Bonneville de Marsangy, La Légion d'honneur, Paris 1982, p. 60.
  • 111. Jean Tulard (éd.), Proclamations, ordres du jour et bulletins de la Grande Armée, par Napoléon Bonaparte, Paris 1964.
  • 112. Lettres de soldats de la Révolution et de l’Empire. Dans : Carnets de la Sabretache 14 (1972, nouvelle série), p. 92 ; ibid. 17 (1973, nouvelle série), p. 53 ; ibid. 23 (1974, nouvelle série), p. 66-68 ; Fairon/ Heuse (dir.), Lettres de grognards (cf. note 60) ; Hennet/ Martin, Lettres interceptées (cf. note 46) ; Ken Potel, Les oubliés du Premier Empire, Paris 1999 ; Alan Forrest (Napoleon’s Men, cf. note 30) évoque très peu cette question pour l’après 1804.
  • 113. Hennet/ Martin, Lettres interceptées (cf. note 46), p. 34.
  • 114. Évoquée aussi par Alan Forrest, Napoleon’s Men (cf. note 30), p. 102-104.
  • 115. Jean-Jacques Lambry/ Amédée de Pastoret, Campagne de 1813. Itinéraire et souvenir de deux soldats, extraits du Carnet de la Sabretache, années 1903 et 1924, Paris 1999.
  • 116. Hennet/ Martin, Lettres interceptées (cf. note 46), p. 21. C’est moi qui souligne.
  • 117. Capitaine Bertrand, Mémoires. Grande armée, 1805-1815, Paris 1999, p. 163.
  • 118. Bégos, Souvenirs des campagnes (cf. note 66), p. 62.
  • 119. Capitaine Léon-Michel Routier, Récits d’un soldat de la République et de l’Empire, 1792-1830, Paris 2001, p. 89.
  • 120. Laurence Montroussier, Éthique et commandement, Paris 2005, p. 81.
  • 121. [François], Journal (cf. note 29), p. 482.
  • 122. Chevillet, Souvenirs (cf. note 26), p. 73.
  • 123. [François], Journal (cf. note 29), p. 691.
  • 124. [Faucheur], Souvenirs (cf. note 24), p. 233.
  • 125. Louis François Lejeune, Mémoires du général Lejeune, 1792-1813, Paris 2001, p. 201.
  • 126. Forrest, Napoleon’s Men (cf. note 30), p. 119.
  • 127. Abel Poitrineau, Fonctionnarisme militaire ou catharsis guerrière ? Les facettes de la gloire, au temps de la Grande Nation, d’après les actes et les écrits des soldats de l’Empire. Dans : Viallaneix/ Ehrard (dir.), La bataille (cf. note 18), p. 208-220.
  • 128. Abel Poitrineau, Fonctionnarisme militaire ou catharsis guerrière ? Les facettes de la gloire, au temps de la Grande Nation, d’après les actes et les écrits des soldats de l’Empire. Dans : Viallaneix/ Ehrard (dir.), La bataille (cf. note 18), p. 208-220.
  • 129. Philippe Contamine, Mourir pour la patrie, Xe-XXe siècle. Dans : Pierre Nora (dir.), Les lieux de mémoire. T. II : La Nation, vol. 3, Paris 1986, p. 25-29.
  • 130. Sergent Lavaux, Mémoires de campagne (cf. note 31), p. 119-120.
  • 131. Chevillet, Souvenirs (cf. note 26), p. 119-120.
  • 132. Sergent Lavaux, Mémoires de campagne (cf. note 31), p. 145.
  • 133. Griois, Mémoires (cf. note 71), p. 31.
  • 134. Lejeune, Mémoires (cf. note 126), p. 34. [136] De Tascher, Journal de campagne (cf. note 63), p. 57-106.
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